Vous êtes d’accord que l’idée du Partenariat Patient c’est de permettre le partage des connaissances entre soignant et patient, puis de s’assurer que les décisions thérapeutiques seront prises en commun. Vous êtes maintenant convaincu.e.s que cela les rendra plus efficaces, venant de la part d’un soignant avec une clinique enrichie – on parle de « relation d’interdépendance » (1) – et grâce à une plus grande motivation et à une meilleure observance du traitement, avec en prime une autonomie plus grande et plus précoce, de la part du patient. Si, si, vous êtes d’accord. Sinon, pour vous convaincre, ou pour ceux qui ne voient pas de quoi je parle, vous pouvez aller jeter un œil à la catégorie « Qu’est-ce que le Partenariat Patient ? ».
Avouez, à force de l’entendre, elle finit par rentrer toute seule, la théorie, non ? Ça devient tellement évident qu’on se demande comment on n’y a pas pensé plus tôt 😉
Continuons. Il faut donc trouver les moyens de s’éloigner du modèle hiérarchique du thérapeute, ici l’orthophoniste, qui donne des solutions à un patient qu’il pense -et qui se pense- incompétent à se soigner. Je sais, on vous a fait comprendre qu’avec vos lignes de base vous étiez des expert.e.s et beaucoup d’entre vous se sentent rabaissé.e.s lorsqu’un autre professionnel semble lui dire ce qu’il doit faire. Rassurez-vous, vous valez bien plus que ça. La preuve : vous êtes là. Ça peut donc paraître difficile de lâcher-prise, d’accueillir les connaissances des autres. En Gestion Mentale, on appelle cette attitude « la démaîtrise » (2). Bizarrement, depuis que je partage les décisions donc les responsabilités, que je ne cherche plus absolument à contrôler ce qui ne dépend pas de moi, je me sens d’autant plus compétente dans le champ qui est le mien. Quand on accepte cette idée, il est d’autant plus facile de se demander quel est le champ de compétence de notre patient et… de le lui demander. Il est donc primordial de trouver les moyens de changer notre rapport au patient.
Voyons ensemble ces moyens. Je fais ici une liste à la Prévert mais, rassurez-vous, chaque point sera abordé plus en profondeur dans différents articles.
Nous attendons du côté du patient :
- un patient en confiance (le fameux lien thérapeutique) ;
- un patient qui accepte la relation d’échange, l’équilibre entre donner et recevoir (ce n’est pas gagné avec certains de nos patients qui ne peuvent pas s’empêcher d’appeler n’importe quel soignant « Docteur ») ;
- un patient capable de communiquer au mieux (quid de notre patient aphasique ? et de notre patient adulte trisomique ?) ;
- un patient capable d’observer son environnement et ses actions (nous ne
voudrions pas de « j’sais pas » à chacune de nos questions, tout de même !
ça vous rappelle quelqu’un ? un ado peut-être ?) ; - un patient capable de s’introspecter (sans divan, évidemment, mais sur
le plan cognitif et des émotions de base, du style « j’l’ai pas fait
parce que j’vois pas pourquoi et puis ça m’saoule », ce serait déjà pas
mal, mais on peut obtenir encore mieux, vous le verrez petit à petit dans la catégorie « Vous avez dit Gestion Mentale ? »).
…un patient idéal, quoi !
Or, vous l’aurez compris, cela nécessite du côté du thérapeute :
- un thérapeute qui a confiance en les capacités de son patient (si si, même de ce patient qui a l’air de ne rien comprendre à ce qu’on lui raconte) ;
- un thérapeute qui accepte l’échange, l’équilibre entre donner et recevoir (ce qui ne vous enlève en rien votre expertise scientifique !) ;
- un thérapeute qui facilite la communication de son patient (ok, normalement c’est plus facile pour les orthophonistes, quoique… des outils ça peut aider : un questionnaire à faire passer à votre patient est disponible gratuitement ci-contre.) ;
- un thérapeute qui sait observer les réactions de son patient (3), les accepter et en proposer une traduction propice à l’échange (qu’est-ce qui est le plus difficile : accepter une réaction négative ou proposer une interprétation sans l’imposer ?) ;
- un thérapeute qui apprend à son patient à s’introspecter, à se poser des questions et à trouver des réponses par lui-même (donc qui connaît la base de la Gestion Mentale CQFD).
Il n’est pas toujours facile de changer sa façon de pratiquer, et la bouleverser complètement vous perturberait autant que votre patient. Mais chaque changement vous conduira un peu plus loin sur le chemin du partenariat et, vous commencez à le réaliser, vous rapprochera de votre patient idéal.
Epictète, dans l’antiquité, disait qu’il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui n’en dépendent pas (4).
Qu’est-ce qui dépend le plus de vous ? Par quoi déciderez-vous donc de commencer ?
BIBLIOGRAPHIE
- POMEY Marie-Christine et al., Le « Montréal model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de la santé, 2015
- DELVAUX-LEDENT Hélène et Pierre-Paul, Mener le dialogue pédagogique en Gestion Mentale : regards sur des pratiques, 2018
- LEFORT Hugues et PSIUK Thérèse, Patient partenaire, patient expert, 2019
- ARRIEN, Le Manuel d’Epictète (et de sa philosophie stoïcienne), IIe siècle